[DMA] Chapitre 8 : Piercings et tatouages

Warning drogue & alcool

 

[DMA] Retour à Oasis Springs (2ème partie)

  


Quelques heures plus tard, j’accompagnai Arden et Chloé jusqu’à la maison de cette dernière. Je pensais qu’il allait rester chez sa petite-amie mais nous repartîmes tous les deux vers mon quartier. Au bout de quelques minutes de marche silencieuse, je l’entendis se racler la gorge avant de s’adresser à moi.


« Claire… tu sais, la capitaine des cheerleaders… eh bien, elle a vraiment eu l’air de t’apprécier, et ça semble réciproque. Elle est célibataire, veux-tu que je…

— Je suis gay, le coupai-je vivement.

— Ah ? »

Ce n’était pas tout à fait un mensonge, je couchais avec des hommes mais j'étais également attiré par les filles même si mon expérience hétérosexuelle remontait à mon dernier été à Sulani. Or, je n’avais pas fait tout ce chemin jusqu’à Oasis Springs pour être casé avec quelqu’un. J’étais venu ici pour le voir, lui.

« J’espère que mon orientation sexuelle ne te pose pas de souci ?

— Non… Non, oh non ! s’exclama-t-il en agitant les mains, gêné que son ton désappointé ait pu être mal interprété. Tu sais, les parents de mon grand-père maternel étaient deux hommes unis par le mariage …»

Nous nous arrêtâmes enfin devant chez moi.

« C’est donc dans ton ancienne maison que tu vis ?

— Tu veux rester un peu avec moi ? »

Il me suivit jusque dans mon ancienne chambre où il s’assit près de moi sur le lit pour discuter.


« Depuis combien de temps es-tu à Oasis Springs ? me demanda-t-il en scrutant les moindres détails de la pièce délabrée tout en s’efforçant de cacher son désappointement pour ne pas me blesser. 

— Cinq jours…

— Et tu as vécu ici depuis tout ce temps ? Tu peux venir dormir chez moi si tu veux…

— Je… Ca n’est pas possible. Je… »

J’hésitai un instant avant de décider que je pouvais lui faire confiance. A qui d’autre que lui aurais-je pu ?

« En fait, je te l’ai pas dit mais j’ai fugué de mon foyer et personne ne doit savoir que je suis ici. Tes parents appelleraient les services sociaux, c’est sûr…

— Ce serait trop indiscret de te demander pourquoi t’as fugué ? »

Je fermai les yeux pour me donner un délai supplémentaire. C’était la question que j’avais redoutée mais je choisis de dire une partie de la vérité. La partie la plus avouable.

« C’est l’enfer là-bas, t’as pas idée ! On n’est pas considéré. On ne reçoit ni amour ni attention, juste des coups ! 1 Certains éducs spé passent leur temps à nous crier dessus ou nous humilier. Crois-moi, je ne pouvais pas rester là-bas.

— Peut-être mais c’est pas l’idéal pour toi de te terrer ici. Tu sais quoi ? Mes parents seront absents le week-end prochain. Tu n’auras qu’à venir profiter de la maison et de la piscine. Et dans deux semaines, mon frère, ma sœur et moi, on aura encore la maison pour nous tout seuls. On a prévu d'organiser une fête pour marquer la fin de l’année scolaire. Viens à partir de la veille au soir, tu nous aideras à tout préparer et tu repartiras avant que mes parents ne rentrent. Qu’est-ce que t’en dis ?

— Ce serait super chouette, ouais…»




Je vécus jusqu’au week-end suivant dans l’attente des visites d’Arden, qui essayait de passer régulièrement au squat pour me changer les idées. Il m’avait prêté son simpod et des mangas pour m’aider à tuer le temps et il me ramenait également de la bouffe. Les restes des bons petits plats de Mme Berry dont je me régalais, enfant.

Le samedi matin arriva enfin et je pus m'extirper de mon trou à rats. J’étais ému en entrant dans la villa des parents d’Arden, tous mes bons souvenirs remontant à la surface. Chez eux, je m’étais senti normal et accepté tel que j’étais en dépit de la mauvaise réputation de ma famille. 


« Tu vas voir, on a prévu de te chouchouter pendant tout ce week-end ! m’accueillit Arden d’entrée de jeu. D'ailleurs, j'espère que tu as faim parce que je t'ai préparé un petit-déjeuner gargantuesque...

— Quoi ? cria une voix féminine semblant venir de la cuisine.

— Hum…  Souris a préparé un petit-déjeuner gargantuesque», rectifia Arden avec un sourire faussement confus. 

Nous retrouvâmes toute la fratrie dans la cuisine, à part Brume matinale qui avait quitté le nid depuis deux ans. Un festin nous attendait effectivement sur la table.

« Eh bien , tu es devenu un superbe jeune homme, me complimenta Souris. 

— Et toi tu es toujours aussi belle », lui répondis-je en piquant un fard, gêné après coup d’avoir laissé échapper ces mots qui faisaient écho à un épisode de mon enfance. Un jour où Arden m’avait invité à venir jouer chez lui, c’est Souris qui m’avait ouvert la porte, et je me souviens que j’avais pensé en la voyant pour la première fois : “Wouah ! Elle est trop belle avec ses cheveux jaunes et sa peau caramel…


« Enfin un homme qui a du goût, plaisanta-t-elle en se tournant vers son frère. Ça me change de tes autres copains qui sont un peu bas du front !

— Mais euh ! C’est toi qui es un peu trop cuistre… Désolé de fréquenter des gens normaux, madame la précieuse ridicule !

— Cette référence culturelle vient de te sauver la mise, jeune freluquet. Je ne te provoquerai donc pas en duel pour laver dans le sang mon honneur bafoué…

— Ah bon, parce que tu m’aurais vraiment provoqué en duel ? Et avec quelles armes, je vous prie, madame la pédante ?

— Euh… des aiguilles à tricoter ? »


Frères et sœur éclatèrent de rire dans un bel ensemble. Je les regardais, fascinés. Ils avaient une telle complicité et une telle affection les uns pour les autres que cela me ramena cruellement à ma propre solitude et à la violence que j’avais connue en foyer où la tendresse et l’amour étaient proscrits. J’avais toujours rêvé d’une famille comme celle d’Arden. Se rendait-il compte de la chance inouïe qu’il avait ? Il ne me l'avait pas dit clairement lors de nos discussions au squat mais j'avais compris qu'il se sentait traité différemment et un peu délaissé par ses parents qui ne tarissaient pas d'éloges à l'égard des trois aînés toujours cités en exemple par leurs professeurs . Cela crevait pourtant les yeux que Souris et Flèche argentée adoraient leur frère en dépit de leurs centres d’intérêt si opposés.

Je les aidai à débarrasser la table puis Arden m’entraîna dans le jardin où on piqua une tête dans la piscine pendant que Souris faisait son yoga et que Flèche argentée lisait sur l’une des chaises longues.  Depuis mon retour à Oasis Springs, je ne cessais de voyager entre le passé et le présent en un merveilleux kaléidoscope dont les images réchauffaient mon cœur. 


Nous finîmes par nous hisser hors de la piscine pour nous affaler sur les serviettes de bain. Discrètement, j’admirai la plastique parfaite d’Arden : son torse en forme de V mis en valeur par de larges épaules et un ventre musculeux. En me retournant sur la serviette, je surpris à mon tour son regard  sur moi qui me balayait furtivement de la tête au pied, puis il se détourna, les joues empourprées de gêne, quand il vit que je l’avais capté. Il se résolut à prendre la parole, sûrement pour dissiper tout malentendu.

« Je vois qu'on est tous les deux adeptes des piercings et des tatouages.

— Sauf que je te bats à plates coutures », fis-je en lui tirant malicieusement la langue.

Avec provocation, je remuais mon petit morceau de chair orné en son milieu d’un bijou en forme d’épingle.


« Ouche, je suis loin d’être douillet mais je n’ai jamais osé me faire percer là…avoua-t-il, partagé entre le regret et un certain trouble.

— Dommage ! Tes partenaires ratent vraiment quelque chose…

— Que… que veux-tu dire ?

— Ben oui, le piercing à la langue, c’est très sexuel… tu sais bien… pour la fellation… enfin, le broute-minou dans ton cas…»

Et comme il me regardait avec les yeux ronds, je lui proposai d’une voix suggestive :


« Tu veux une démonstration ?

— Non ! » se récria-t-il, presque choqué.

A cette réaction exagérée, j’éclatai de rire, les larmes me brouillant la vue.

« Pardon, j’ai pas pu m'en empêcher, t’aurais vu ta tête…»

Je mis du temps à calmer mon accès d’hilarité tandis qu’Arden me fixait toujours, l’air faussement vexé. J’étais tellement heureux de retrouver notre complicité intacte. Sauf qu’au vu de notre âge, nos conversations avaient désormais un goût un peu plus pimenté. Je lui adressai un clin d'œil moqueur :

« Allez, rassure-toi, t'es pas mon genre de toute façon...

— Ah bon ? Et c'est quoi ton genre ? »

Je ne m'attendais pas du tout à cette question et restai muet quelques secondes. 

Le tien, bien sûr… pensai-je spontanément sans pouvoir le lui dire. 

Je ne m'étais jamais préoccupé de la question au vu de mes activités qui ne me laissaient pas de latitude pour choisir mes clients en fonction de leur physique. Je me rappelai juste que Jonathan aurait pu me plaire si je l’avais considéré autrement que comme un pote.

« Alors, tu as perdu ta langue ? me taquina Arden. Ou alors tu as des goûts tellement bizarres que tu as peur de m'effrayer ?»

Il y a un peu de ça, ouais... 

J’avais envie de me montrer honnête avec lui sans pour autant lui révéler mes secrets inavouables. Pourquoi ne pouvais-je avoir une conversation normale avec lui comme n'importe quel adolescent ?

« Eh bien, je… je… je ne sais pas… En fait je… je papillonne beaucoup, alors j’ai jamais vraiment fait attention. Ça te choque ? ajoutai-je comme son silence se prolongeait.

— Non, je réfléchissais… » 

A ce moment, j’aurais aimé être dans sa tête. Est-ce que ma réponse l’avait déçu ? Dégoûté ? Est-ce qu’il regrettait de m’avoir invité à passer le week-end chez lui ? Que pensait-il vraiment de moi ?

Mais l’arrivée de ses copains m’empêcha d’éclaircir ce point avec lui. Les copains en question étaient ceux-là mêmes qui nous avaient accompagnés  au resto  la dernière fois. Ne manquaient que Julien Simpa et Chloé, la petite-amie d’Arden qui devait arriver en fin de journée.

 

Claire vint s'asseoir à côté de moi et Arden nous laissa pour aller s'occuper du barbecue. En apprenant que j’avais fait du street dance, elle voulut absolument que je lui fasse une démonstration. Je tentai de me défiler mais les autres s’en mêlèrent en scandant mon nom et je dus m'incliner. Ils se servirent alors de ce qu’ils avaient sous la main, des cuillers qu’ils tapaient contre leurs bouteilles de bière ou plus simplement le fredonnement de leurs voix pour accompagner ma danse. J’improvisai, et bientôt Claire se joignit à moi.








« Je comprends mieux pourquoi t’assurais autant sur la piste de danse l’autre soir… murmura une des filles sur un ton admiratif.

— Tu m’étonnes ! appuya Hugo. D’ailleurs, ça me donne une idée : tu pourrais nous inventer une chorégraphie pour nous entrer en scène en boîte de nuit. Ce serait trop chanmé… Vous imaginez, les gars ? Nous seize entamant les mêmes pas de danse dès qu’on arrive sur la piste ? Ce serait trop la classe…

— Oh oui oh oui oh oui ! Allez, Célian, dis oui, s’il te plaîîîîîîît….» s’écrièrent les filles en un chœur strident.

Je me sentis incapable de leur dire “non”.

Le groupe annonça la bonne nouvelle à Arden qui nous avait appelés pour manger.


« Alors, comme ça, tu t’es laissé convaincre ? me demanda-t-il dans un sourire en s’asseyant près de moi. Fais attention, ou ils vont finir par te faire des demandes de plus en plus loufoques et impossibles ! »

J’éprouvais une sensation bizarre à me trouver au milieu de ce groupe d’amis qui se connaissaient depuis des années et qui semblaient si soudés. Au foyer, je n’étais jamais seul mais mes codétenus passaient leur temps à se hurler dessus ou à se chamailler. A essayer de trouver chez l’autre la faille qui leur permettrait d'appuyer là où ça faisait mal. Là-bas, j’avais toujours été sur le qui-vive et c’était incroyablement agréable de pouvoir enfin souffler un peu et adopter un comportement normal parmi des gens normaux. 



Plus tard, fidèle à ma promesse, j'entrepris de leur apprendre quelques pas et enchaînements faciles à retenir. Arden s’était éloigné pour répondre à un appel téléphonique. Je l’épiai du coin de l'œil, inquiet de voir son expression changer, passant de la joie à la tristesse et la déception. Après avoir raccroché, il resta dans son coin. Je demandai à Claire de continuer la chorégraphie à ma place et m’approchai de lui.

 


« Une mauvaise nouvelle ? m’enquis-je, préoccupé par son air malheureux.


— Rien de grave, me répondit-il en m’adressant un sourire contraint. Chloé a eu un empêchement et ne pourra pas passer comme c’était prévu. Ni aujourd’hui ni demain. Mais que cela ne vous empêche pas de vous amuser, hein !

— J’espère que tu vas t’appliquer à toi-même tes propres recommandations ? »


C’est ainsi que je le convainquis de nous rejoindre. Il donna si bien le change que personne ne se rendit compte de ce que son entrain avait de forcé. 

Le soir, nous jouâmes à la console avant de nous coucher aux aurores.

Le lendemain dimanche, il semblait déjà plus joyeux, n’hésitant pas à me défier au basket comme au bon vieux temps.

Après ce week-end presque parfait, il me fut difficile de retourner au squat, mais Arden y passait désormais tous les jours.

Le jeudi, en début de soirée, alors que je me détendais en fumant un joint, j’entendis quelqu’un bouger les deux planches de bois : la tête d’Arden surgit dans le passage secret. Ce n'était pas l’heure à laquelle il avait l’habitude de passer mais je vis tout de suite à l'expression de son visage que quelque chose clochait. 


Il devança mes questions.

« Je… je peux rester ? Chloé m’a trompé avec mon pote…

— Ben c’est pas un pote alors… Je suis vraiment désolé pour toi, Arden. Comment l’as-tu découvert ?

— Un de mes cours a sauté, alors je suis allé chez elle. Sauf qu’elle n’était pas seule… Elle était  au lit avec Julien Simpa… Mais le  pire,  c’est qu'elle me trompe depuis le début. Si elle est sortie avec moi, c’était juste pour la popularité que mon statut de capitaine lui apportait. Elle adorait être interviewée et photographiée à mes côtés pour le journal du lycée.


— Tu veux mon avis ? Cette pétasse te méritait pas ! Crois-moi, cette tromperie, c'est ce qui pouvait sûrement t’arriver de mieux, même si c’est douloureux sur le coup, mais au moins, tu la vois comme elle est vraiment et t’es maintenant libre pour quelqu’un qui t’aimera sincèrement… »

Puis je pris conscience de l’expression égarée de son visage :

« Je suis nul pour réconforter, c'est ça ?

— Carrément, mec !

— Bon. Aux grands maux les grands remèdes. J'ai peut-être quelque chose qui te détendra et qui te fera oublier pour un temps cette garce…»

J’avais presque fini mon bédo, alors, m’approchant du visage d’Arden, je lui fis une soufflette et l’invitai à aspirer la fumée par la bouche et le nez en même temps.


« Ca va ? »

Arden hocha la tête, un sourire à demi indolent sur les lèvres.

« Tu ferais peut-être mieux de t’allonger. Comment tu te sens ?

— Bien… Vraiment bien ! Je me sens… détendu ! Vachement détendu même… Ça marche du tonnerre ton truc ! J’ai … j’ai l’impression que mes idées se sont… pfiou… éparpillées, t’vois ? même que j’ai envie de rire sans savoir pourquoi ! »


Et comme pour confirmer ses dires, il se mit à glousser de joie. Je ne pus m’empêcher de sourire face à son état euphorique.

« Allez, repasse-moi le joint, exigea-t-il d’une voix engourdie.

— Nan, t’as assez fumé pour aujourd’hui… 

— Pfff… t’es pas cool en fait ! »

Puis il enchaîna sans aucune transition :

« Je… je peux rester dormir ici ? 

— Si tu veux, de toute façon, je crois pas que tu sois en état de rentrer chez toi…»

Je m’étendis à ses côtés et il commença par me remercier d’être là pour lui dans une longue phrase un peu décousue avant de s’endormir en plein milieu. Je sentais mon cœur battre la chamade à le sentir si proche de moi. En contemplant son beau visage endormi, je pris alors conscience que j'étais sûrement tombé amoureux de lui. Sinon, pourquoi me sentirais-je incroyablement heureux en sa présence et en perpétuelle recherche de son regard sur moi ?

Arden s'agita dans son sommeil et vint se serrer contre moi. Je n'osais bouger malgré ces drôles de sensations dans mon ventre. Et je compris alors que je le désirais désespérément. 


Je passai une nuit blanche à rester parfaitement immobile près de lui tout en savourant la proximité de son corps et le contact troublant de sa tête sur mon épaule. J’avais l’impression d’être dans un cocon de chaleur et de douceur et j’aurais aimé que cette nuit ne finisse jamais. Malgré les pensées impures  qui ne cessaient de m’agiter à son encontre, j’avais l’impression d’avoir recouvré une partie de mon innocence, cette partie de moi que l’on avait saccagée durant mon enfance.

Est-ce que c'était mal d'avoir autant envie de coucher avec celui qui avait été mon meilleur ami ?

Quand les rayons du soleil tirèrent Arden du sommeil le lendemain, il sembla surpris de se retrouver là et un peu gêné aussi. Il l’aurait été davantage s’il avait su quel genre de pensées avait peuplé ma nuit.


« Désolé d’avoir empiété sur ton espace vital… s’excusa-t-il en détournant son regard vers les planches de bois qui condamnaient la fenêtre.

— C’est pas grave ! Tu semblais si bien dormir que je n’ai pas osé te pousser de peur de te réveiller… Pas après ton chagrin de la veille…

— Alors on se dit toujours à ce soir, chez moi ?

— Ouais, bien sûr…»

 

[DMA] Retour à Oasis Springs (2ème partie)


 

1 Merci à Black Shadow qui m'a permis d'utiliser le passage d'un de ses commentaires ! :-*

 


 

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